papier peint panoramique (gr. n. m.) link
Grand paysage* imprimé à la planche sur plusieurs lés* de papier*. Ce type de papier, très en vogue dans les intérieurs bourgeois du XIXe siècle, a décuplé les fonctions propres du mur, le cloisonnement et le soutènement, ainsi que ses possibilités d’aménagement décoratives, de manière à permettre au spectateur d’entrer dans un espace propice à l’évasion.
Témoins de leur époque et tributaires des ambitions encyclopédiques de leurs concepteurs, les papiers peints panoramiques concurrencent de très près les peintures murales. Reconstitutions d’évènements historiques* ou militaires, illustrations d’épisodes littéraires* ou mythologiques* puis paysages* et décors exotiques* sont autant de possibilités qui s’offrent au regard, le premier modèle ayant été installé publiquement lors de l’Exposition des produits de l’industrie en 1806.
L’origine des papiers panoramiques, apparus dans les dernières années du XVIIIe siècle, est très probablement à chercher du côté de la décoration des paravents*, réalisés à la même époque sous forme de gravures pinceautées de grandes dimensions et organisées en un ensemble structuré par une succession de lés*. Ce type d’assemblage fut récupéré par les fabricants de papier* vers 1790, en juxtaposant d’abord les scènes lé par lé, puis en élaborant une scène unique répartie sur l’ensemble.
Collés bord à bord, les pièces de papier formaient un paysage de plusieurs mètres. Les contraintes de lecture verticale propres aux décors des paravents s’effacent désormais, au profit d’une valorisation de la dimension horizontale, de la déconstruction du schéma vertical et donc de l’élargissement de la portée décorative de l’ensemble. Le principal intérêt de ce décor, dénommé « paysage » par les fabricants du XIXe siècle, relève non seulement de ses facultés d’adaptation à la structure architecturale, mais comme il était produit en série et donc moins coûteux qu’une fresque réalisée sur mesure, il pouvait être réaménagé ultérieurement, au gré des modes ou des desiderata de son propriétaire.
Fréquents dans les salons et salles à manger, où ils étaient susceptibles d’être admirés du plus grand nombre, les panoramas, appliqués au dessus des lambris*, étaient pensés de telle sorte que les figures et paysages soient situés à hauteur d’homme*- le point culminant ne dépassant pas 2,20 m- et de manière à ce que le ciel, qui occupe le reste de la hauteur du lé, puisse être modulé en fonction de la hauteur de la pièce. Hormis l’ordre logique d’apparition des figures ou des épisodes, rien ne laisse présumer d’un quelconque début ou fin de la composition ou ne vient interrompre la continuité générale du décor, ponctué à intervalles réguliers d’éléments tels que arbres*, bosquets ou rochers*. Ceux-ci permettent d’adapter la pose en fonction de la distribution des ouvertures de la pièce. En fonction du périmètre, certains lés pourront manquer ou au contraire être répétés.
Deux figures importantes se sont spécialisées dans cette production, à savoir Joseph Dufour (1752-1827) et Jean Zuber (1773-1835). La réalisation d’un panoramique nécessitait plusieurs mois, elle était confiée en premier lieu au dessinateur, lequel puisait dans des modèles gravés l’inspiration nécessaire pour présenter à la manufacture, une maquette aux dimensions réduites. Tenus par le secret professionnel, ces concepteurs devaient être des praticiens avertis : ils devaient prendre en compte les contraintes de réalisation propres à l’impression à la planche*, être capables de décomposer et d’anticiper le travail d’élaboration qu’exigeait la mise en œuvre. Les graveurs prenaient ensuite le relais, pour « la mise sur bois », c’est-à-dire la gravure des innombrables planches* à partir du modèle réduit, démultipliées en autant d’exemplaires que nécessitent les nuances de couleurs* requises. Avant l’impression, la partie la plus importante du lé, celle qu’occupe le plus souvent un ciel* bleu, est préalablement recouverte de sa couleur de fond, parfois en irisé*. Se succèdent ensuite les opérations d’impression et de séchage* traditionnelles, en respectant la marche des couleurs*. Le concours des lithographes* était essentiel au succès de la commercialisation de ces compositions : pour faciliter la vente, de petites copies lithographiées, colorées ou non, réalisées à partir des projets, étaient proposées au client, accompagnées la plupart du temps d’un texte informatif vantant les qualités du produit.
En 1984, Bernard Jacqué estimait à une centaine le nombre de papiers peints panoramiques produits en France. En 2010, 21 panoramiques ont été recensés en Belgique. Très prisés jusque dans les années 1860, ces papiers vont progressivement subir les effets de la concurrence exercée par la mécanisation, laquelle prendra le pas sur ceux-ci pour s’imposer sur le marché du papier peint (Antiquités et objets d’art, 1990, p. 65-68 ; Boussoussou et al., 2004, p. 20-21 ; Figuier et al., 1875, p. 15 ; Jacqué, 1984, p. 89 ; Jacqué, 1997, p. 11 ; Nouvel-Kammerer, 1998a, p. 14-35 ; Teynac et al., 1981, p. 121 ; Wisse, 1991c, p. 79).
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Illustration:
Papier peint panoramique dans un intérieur, manufacture inconnue.
Impression sur papier, 1801-1850 ca.
Collection privée n° 180.
© KIK-IRPA, Bruxelles (B41852).